En 2009, Pedro Meyer écrivait dans un texte intitulé Photographic Intelligence? sur la capacité de certains programmes et systèmes d'exploitation à lire les métadonnées des photographies, une caractéristique qui commençait à être intégrée dans de nombreux domaines. Il exprimait également son enthousiasme quant à la possibilité de l'étiquetage des visages et de la classification automatique des dossiers, de la recherche par images sur Google et des outils permettant de filtrer les résultats par couleur et contenu…
Aujourd'hui, je dialogue avec son texte, 13 ans plus tard, en ce début d'année 2022… Et je peux constater à travers mon expérience quotidienne l'énorme croissance de cette intelligence dont Pedro parlait au début du millénaire.
Le développement de l'intelligence « artificielle », à la différence du développement cognitif infantile ou humain, ne cesse de croître et de le faire à un rythme de plus en plus rapide. Tellement rapide qu'il devient impossible de suivre le rythme avec une routine quotidienne qui n'implique pas de devenir un autre accessoire de nos dispositifs.
Cette intelligence infatigable que nous continuerons d'alimenter, et qui transcende les générations humaines, est devenue bien plus qu'un simple outil d'assistance. Cette intelligence, en termes d'édition photographique, est devenue aujourd'hui un autre membre, une partie essentielle et indépendante du photographe, qui l'assiste avec son regard et lui suggère des détails et des changements que ce dernier n'aurait jamais imaginés…
GIPHY @_alanjonathan
Imagine ce que cela signifie d'avoir à portée de main un catalogue immense de presets, de préréglages, de sélections automatiques de ciels, de sujets et d'objets, de séparation de plans, de sélection d'arrière-plans, d'extraction de textures, de récupération de détails, de réduction du bruit avec reconstruction d'éléments, de colorisation instantanée d'images en noir et blanc à partir de l'échelle de gris et du RVB, de détection des yeux, de la bouche, des sourcils, des cils et du nez dans les visages et les portraits, de modification de l'incidence de la lumière, de réglages de la profondeur de champ après la prise de vue… Et je pourrais continuer si je connaissais un peu plus ce que cette intelligence sait et que j'ignore maintenant…
Et face aux innombrables possibilités auxquelles mon assistant a désormais accès grâce à ses capacités immenses, je me demande : jusqu'où va mon regard ? Est-ce que je vois vraiment mes photos ?
À quel point ce regard est-il artificiel, celui qui me montre des possibilités auxquelles je n'avais pas pensé ? Puis-je continuer à affirmer avec arrogance la suprématie du regard ? Suis-je celui qui regarde mes photos ?... Es-tu celui qui regarde et interprète tes photographies ?
Qui regarde nos photographies ?