De mon enfance, je ne conserve que très peu de souvenirs… Littéralement, les objets physiques que je garde encore se résument à un petit album photo et un oreiller de quand j'avais 3 ans. J'ai passé toute mon enfance et mon adolescence dans la ville de Chihuahua, et ce n'est qu'en 2014 que j'ai décidé de déménager à la Ville de Mexico pour faire mes études universitaires.

Les quelques choses qui ont survécu à la vie itinérante des 8 maisons dans lesquelles j'ai vécu pendant une période de 16 ans se sont irrémédiablement perdues lorsque quelqu'un a décidé de les entreposer à l'extérieur après mon départ de Chihuahua. À partir de ce moment, le petit album et l'oreiller que j'avais emballés avec moi sont devenus
les derniers vestiges d'une vie passée dans une ville qui a tant changé.

Que puis-je faire
avec ces images perdues ? Avec l'absence ?

Aujourd'hui, je n'ai pas la possibilité de disposer d'un objet physique : un jouet, un pull, un cahier de l'école primaire… Mais, je me souviens encore des VHS que ma mère avait enregistrés un jour avec la caméra prêtée par une voisine, et qui conservaient les images de ma remise de diplôme de maternelle à
l'Auditorium Municipal de Ville (l'événement le plus élégamment habillé auquel j'ai jamais assisté : avec une ceinture de smoking et un nœud papillon), et où, par la suite, ma sœur et moi jouions dans le parc derrière l'auditorium. Je me souviens aussi du VHS du mariage de mes parents, de mon troisième anniversaire, et de la fête des 6 ans de ma sœur… Les Noëls et les pique-niques…

La peur que ces quelques images que je conserve dans ma mémoire ne s'effacent plus vite que je ne peux les sauver de l'oubli, est une inquiétude quotidienne avec laquelle je n'arrive pas à m'habituer.
Que fait-on des images perdues ?

La fenêtre, 2021 Illustration © alan jonathan

Actuellement, j'essaie de les évoquer à travers de petites illustrations dans le cadre de l'un de mes projets personnels. Dans La fenêtre, j'ai essayé de représenter ce souvenir : Pendant l'été, la chaleur à Chihuahua était insupportable. Ainsi, lorsque le soleil finissait par nous accorder une trêve et se couchait, nous éteignions toutes les lumières et laissions les fenêtres ouvertes pour rafraîchir un peu la maison… 

Une de ces nuits, je suis passé devant la chambre de ma sœur, elle venait de rompre avec son petit ami. Elle regardait l'écran de son premier téléphone portable tandis que la lumière de la lune se glissait à ses pieds par la fenêtre... J'ai alors pris une photo avec une Sony Cyber-Shot S730. Quelques années plus tard, cet appareil photo et ses fichiers seraient perdus à jamais…

J'ai pensé que plus d'un document de ce que j'ai vécu, ces nouvelles-vieilles images auront plus à voir avec le témoignage de mes souvenirs, des absences, des pertes. Ce sont des images incomplètes, en manque. Des images voilées qui seront toujours accompagnées d'un fantôme que moi seul pourrai voir, car moi seul connais ce qu'elles ne contiennent plus…

Images perdues, est-ce un adjectif applicable à l'image ? Est-ce qu'elles disparaissent complètement ?

Autres articles

Back to Top