As-tu déjà ressenti de la frustration parce que les photos que tu as prises ne sont pas sorties comme tu l'espérais ? Une ombre que tu n'avais pas envisagée au moment du déclenchement, un éclat qui se glissait en arrière-plan, des personnes, les cheveux du modèle, une légère correction de la posture que tu aurais pu faire pour que tout soit parfait…

Ça m'arrive souvent. Et bien que j'essaie de corriger sur le moment, c'est très frustrant quand il s'agit d'une image que je ne peux pas reproduire et que je n'ai pas non plus pu rattraper lors de la postproduction. L'image est techniquement perdue… Quel dommage.

Nous avons tous un groupe de photos de ce type, des photos avec lesquelles nous entretenons une relation compliquée. C'est comme cette personne à qui nous n'avons jamais pu nous approcher, mais dont nous sommes sûrs que, si les choses s'étaient passées autrement, nous aurions eu une histoire intéressante.

Cependant, quand je me permets de regarder d'une autre manière, sous un autre angle, l'image change. Je me rends compte que les critères avec lesquels je la jugeais la dépassent évidemment. Ils me transmettent le message suivant : « mauvaise exposition », « cadrage incorrect », « profondeur de champ inadéquate ». La photo ne correspond pas, elle sort des paramètres. Dans ce code et cette lecture, elle ne me dit rien d'autre, ou plutôt elle ne me dit pas ce que je veux entendre/voir. Et alors, qu'est-ce que l'image veut vraiment me dire ?

Maitane en descendant l'escalier, 2018 © alan jonathan

C'est à ce moment-là que je me donne la permission et fais l'effort d'écouter pour voir, à nouveau. Quand j'oublie les règles, le devoir-être, ce qu'on attend de cette photo, ce que j'attends ; lorsque je dépouille enfin la photographie de tout cela, le sens change. Je me rends compte que je ne m'inquiétais pas pour la photo, mais pour les chiffres.

La relation que j'essayais d'établir avec elle était une séquence numérique que l'exposimètre murmurait à l'ISO et celui-ci aux modes de mesure… pour communiquer à la photo comment elle devait être pour moi. Et étant ainsi, pourrais-je affirmer que je voyais quelque chose ou plutôt que je voulais réaliser quelque chose ?

Je veux dire, pour faire une photographie, prends-tu le temps de regarder, en tenant compte que cela nécessite un état d'ouverture pour appréhender ce que tu as devant toi ? Ou, d'un autre côté, utilises-tu l'autre pour satisfaire ton besoin d'image ? D'où pars-tu ? Quelle est ta relation, est-elle de domination ou de dialogue ?

Me rendre compte de la première option a été un coup dur pour moi. Mais critiquer la façon dont je me rapportais à l'image m'a donné l'opportunité de changer de perspective.

Ce que ces photos m'ont rappelé, c'est que l'important réside dans l'image. Dans son contenu. L'important réside dans ma relation avec l'autre, durant l'acte photographique. Le pictogramme, le papier imprimé ou le fichier numérique ne sont qu'un enregistrement, un monument, un témoin qui me rappellera cela.
Qui es-tu en train de photographier ? Est-ce que tu le regardes vraiment ? Te donnes-tu vraiment l'occasion de le regarder ?

Prends-le en compte. Je te garantis que l'expérience sera moins angoissante et plus enrichissante. Ça m'est arrivé.

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